« Mais enfin, qui c’est ce numéro 33 qui se démène au milieu de terrain ? » Cette phrase-là, vous avez sûrement dû l’entendre autour de vous ces derniers temps, dans les tribunes du Stade Pierre Mauroy. Lui, c’est Yves Bissouma et voici son (incroyable) histoire.
Un terrain vague sableux, des enfants de tous âges groupés en essaim, poursuivant frénétiquement un ballon usé qu’un gamin plus habile que les autres conduit à bout de sandale. Yves Bissouma n’était pas celui-là. Né il y a 20 ans à Issia en Côte d’Ivoire, celui qui idolâtre alors « Zokora Didier Maestro » comme il l’appelle, se souvient : « Enfant, je n’étais pas le meilleur. J’ai vite compris qu’on ne naît pas avec des qualités, qu’il faut travailler. Alors j’ai préféré être plus courageux que talentueux. » Assez toutefois pour intégrer plusieurs clubs de son quartier de Yopougon Sicogi, à Abidjan où il a grandi.
LA PATTE JEAN-MARC GUILLOU
Son chemin le mène finalement au Majestic SC, un centre de formation partenaire de la prestigieuse Académie Jean-Marc Guillou de Bamako. Un tournoi de détection rapidement transformé et le voilà, billet en main, parti pour le Mali voisin à tout juste 13 ans. « J’ai intégré la deuxième promotion, juste après celle d’Adama Traoré qui était d’ailleurs le meilleur de tous. Il m’a beaucoup inspiré. » Cinq ans d’une rigoureuse formation plus tard, voilà Yves, 18 ans, aiguisant ses crocs au Real Bamako, l’un des meilleurs clubs de D1 malienne dont il devient vite l’une des pièces maîtresses de l’entrejeu.
Mais le monde du foot africain ne connait encore que trop peu Bissouma Ygboka William Yves Firmin. Il va pourtant bientôt le découvrir. Jeudi 4 février 2016, demi-finale du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), sorte de CAN des joueurs évoluant sur le continent. SON Mali affronte SA Côte d’Ivoire pour une place en finale…qu’il offre aux siens d’un but à la 89e minute (une finale qu’il perdra ensuite 3-0 face au Congo). « Le foot n’a pas de nationalité, c’est un jeu, un plaisir », soupire-t-il. « Bien sûr que c’était un sentiment étrange de marquer contre mon pays d’origine. J’ai beau être né en Côte d’Ivoire, j’ai passé toute ma jeunesse au Mali. C’est là-bas que j’ai appris à mieux jouer au foot. »
Là, vous vous dites probablement que c’est à ce moment précis qu’il tapa dans l’œil des recruteurs lillois… Eh bien vous vous trompez. « Mes premiers contacts avec le LOSC remontent bien avant le CHAN. J’étais même encore à l’Académie. » Dès lors, conforté par les destins pros de ses prédécesseurs maliens Koné et Traoré, il n’hésite pas à rejoindre la maison losciste. Nous sommes le 22 mars 2016, Yves découvre la France. « Ce moment-là, je l’ai espéré toute ma vie. Mais à partir du moment où il devient réalité, le rêve disparaît, il se transforme en objectif, analyse-t-il aujourd’hui avec un étonnant recul, lui qui intègre immédiatement l’équipe réserve lilloise alors en CFA 2. « Quand je suis arrivé, j’étais très impressionné par la mentalité des gens, leur politesse, mais aussi par les paysages magnifiques de la France. J’étais un peu perdu, je ne savais pas comment me comporter. Heureusement je me suis vite fait des amis comme Lebo (Mothiba), Didier (Lamkel Ze) qui nous ont beaucoup aidé à nous intégrer, Rominigue (Kouamé) et moi. »
En dépit d’un changement de vie forcément brutal et d’une découverte toute aussi subite des pelouses françaises (« j’ai joué pour la première fois avec des crampons vissés »), il ne lui faut pas plus de trois mois en CFA pour inciter les dirigeants lillois à lui offrir un contrat pro. « C’est vrai que tout est allé très vite… mais quelque part, j’ai travaillé pour ça toute ma vie, je l’ai mérité. Après, je dois encore énormément progresser. Je viens d’une famille très pauvre. J’y pense constamment. C’est elle qui me donne la force d’atteindre mes objectifs. »
6 MOIS APRÈS ? DANS LE GRAND BAIN DE LA LIGUE 1
Lundi 27 juin 2016 : c’est la rentrée pour les Dogues. Parmi les nouvelles jeunes têtes du groupe coaché par Frédéric Antonetti, celle d’Yves ne dépasse pas. Discret, le jeune homme s’imprègne progressivement de son nouveau rythme. « Les grands (sic) nous ont très bien intégré à l’équipe. Djibril, Rio, Sofiane, Mounir, Franck, Morgan… Tous ont été de bon conseil. Hier encore, ils me faisaient rêver à la télé et aujourd’hui, je m’entraîne avec eux, ils viennent me taquiner. Là, vraiment, je peux dire que j’ai effectué un pas. Mais il en reste beaucoup d’autres. »
Si les spectateurs habitués aux matchs de CFA avaient déjà coché son nom dans leur short-list de ces « jeunes à suivvre » c’est désormais à ceux du Stade Pierre Mauroy de découvrir le potentiel d’Yves Bissouma. En matchs amicaux, d’abord. Puis en tour préliminaire de l’Europa League, brièvement. Mais c’est surtout le 20 septembre dernier contre Toulouse (1-2) que le Stade Pierre Mauroy fait la connaissance du numéro 33. « Au début du match, j’étais focalisé sur les tribunes, je trouvais les supporters magnifiques. C’était la première fois que je me sentais disputer un vrai match de football comme on les voit à la télé. »
Alors cette première ? « Je n’ai pas ressenti de stress. Je me suis dit que si le coach m’avait titularisé, c’est qu’il avait confiance en moi, qu’il me pense capable de remplir ma fonction. Je n’avais donc qu’à respecter ses consignes, m’organiser et tout se passerait bien. Maintenant, je n’ai plus le droit à l’erreur. J’ai commencé un truc et je dois à tout prix le terminer. Ma carrière est lancée. » Et on la lui souhaite la plus belle et longue possible. Après tout, son premier pied en Europe, Yves Bissouma l’a posé il y a seulement six mois et vingt jours…
source www.losc.fr
par Maxime Pousset