Prêté par Manchester City à Sunderland cette saison, Jason Denayer assistera depuis les tribunes à l’affrontement des deux équipes ce dimanche (17h, en direct sur SFR Sport 1), lors de la 27e journée de Premier League. Successeur annoncé de Vincent Kompany chez les Citizens comme en sélection, le défenseur affiche une maturité déconcertante, forgée à travers un parcours de vie difficile.
La technique de l’apprentissage pieds nus
A la rude, parce qu’il s’agissait de revenir aux fondamentaux. Et pour expérimenter au mieux les sensations que procure le jeu, l’académie avait décrété… une interdiction de chaussures ! « La première fois que j’y suis allé, j’avais pris mes chaussures, racontait-il dans les colonnes du Mail. Et puis j’ai vu le panneau sur la porte, indiquant ‘pas de chaussures’. C’était très bizarre, au début ça faisait très mal ! Quand vous jouez, vous vous brisez les orteils, mais j’ai tellement amélioré ma technique. Donc oui, ça marche. »
« A l’académie, c’était jouer au football, étudier, manger et dormir », racontait-il au Guardian en juin dernier. Arrivé à 13 ans au sein de l’établissement, Jason Denayer a très vite appris à abandonner son costume de petit garçon pour endosser celui d’homme indépendant ou presque. Pas si difficile quand il s’agit de renoncer à la pauvreté d’un quartier difficile de Bruxelles.
Contrat de prêt oblige, Jason Denayer ne sera pas à disposition de David Moyes ce dimanche, pour ce match de la 27e journée de Premier League. Prêté par Manchester City, le Belge assistera au match de Sunderland depuis les tribunes, avec un cœur forcément partagé entre l’équipe dont il défend les couleurs et qui fait une triste lanterne rouge du championnat et des Citizens qui luttent pour une place sur le podium.
« Je ne sais pas ce qu’il se passera dans le futur, confiait cette semaine le joueur de 21 ans dans le Daily Mail. La seule chose que je peux faire actuellement, c’est faire de mon mieux pour Sunderland. […] On se bat pour survivre et je donnerai tout pour cela. »
Discret sur son enfance compliquée
Survivre… en Premier League bien sûr. Le mot prend pourtant des couleurs plus profondes quand il s’agit de le mettre en lien avec l’histoire personnelle de Jason Denayer. Derrière ses dreadlocks et le sourire qu’il affiche en dehors des terrains, le protégé du club mancunien cache une enfance loin d’être rose.
Né à Bruxelles d’un père belge et d’une mère congolaise, le jeune garçon a grandi dans un milieu modeste, en compagnie de ses deux jeunes frères. Il reste pourtant discret sur ses galères quotidiennes, préférant discuter de football et de sa formation… à la rude, au sein de l’entité belge de la JMG Académie fondée par Jean-Marc Guillou, après avoir débuté balle au pied à Ganshoren puis Anderlecht.
Sortir sa mère du « quartier »
« Je viens d’un quartier très pauvre, concède-t-il. Quand vous dites aux gens que vous venez d’Anneessens, ils vous regardent en demandant ‘ce gars va-t-il voler quelque chose ?’ Les années passant, j’ai eu besoin de leur montrer que je n’allais rien faire de mal. Les gens ont fini par m’accepter pour ce que je suis. » Avec dans son sillage sa mère et ses deux frères, qu’il se réjouit d’avoir fini par sortir du quartier. « Pour ma mère, voir la police passer et de mauvaises choses arriver tous les jours… c’était stressant », confirme le joueur.
Etonnante cette maturité affichée par un jeune homme de 21 ans. Surtout quand il s’agit de parler de prudence dans ce milieu du football professionnel qui peut vite faire tourner la tête. « Il faut faire attention, insistait-il dans The Guardian. Un seul contact tendancieux peut engendrer une atmosphère explosive. J’ai vu des garçons plus talentueux que moi mais qui n’y sont jamais arrivés. Ils ont fait d’autres choix. C’est le danger quand vous grandissez dans un quartier difficile. »
Un essai raté à Liverpool, accepté par City… après de longs mois
Les pieds sur terre ne sont pas pour autant une garantie de réussite. Des galères, Jason Denayer en a connu après l’académie. Le football professionnel a ceci de cruel qu’il laisse parfois s’échapper des talents. S’il a atterri à Manchester City en 2012, c’est surtout parce que la piste Liverpool (où il a passé un essai) ne l’a mené nulle part. Et cela ne s’est pas fait sans mal. « Cela a pris des mois avant que le club prenne une décision, détaille le Belge. Ce fut la plus longue période de ma vie. Mais j’ai signé un contrat, j’ai eu ma chance avec les équipes de jeunes et j’ai pu m’entraîner avec l’équipe première. »
A l’été 2014, il rejoint l’équipe A pour la tournée de présaison aux Etats-Unis… mais ne joue que quelques minutes. C’est alors que le Celtic entre en jeu. « Je me suis dit ‘Glasgow ? La ville où le soleil qu’une semaine dans l’année ?’ Mais le manager (Ronny Deila ndlr) m’a appelé et m’a convaincu. J’étais à la fois euphorique et nerveux. Avant d’atteindre le vestiaire durant ma visite du stade, mon père m’a dit : ‘Jason, une fois passée cette porte, tu es un joueur professionnel. Et il faudra te comporter comme tel.’ » Ce père dont il parle si peu mais qui n’est jamais bien loin.
Un cap passé en Turquie
Quatre minutes de jeu lors de son premier match ont suffi à voir le jeune défenseur marquer son premier but ! Cette saison-là, il remporte le championnat écossais et la Coupe de la Ligue, avec à la clé le titre de meilleur jeune joueur du championnat. Prometteur… Mais pas au point de lui valoir une place au sein de l’effectif de Manchester City. Du moins pas avant un prêt à Galatasaray. « La Turquie toute entière est obsédée par le football, se souvient Jason Denayer. Dans la rue, je ne pouvais pas marcher dix minutes sans être arrêter par des gens, surtout avec ma coupe de cheveux ! A Glasgow c’était sympa, ils parlaient de football. Mais la Turquie, c’était une autre étape dans mon apprentissage. »
L’apprentissage est aussi humain. Le destin a voulu que le défenseur se retrouve à proximité de lieux d’attaques terroristes à trois reprises en l’espace d’un mois, en mars 2016 : deux fois en Turquie et une fois à Bruxelles, au moment de cet attentat qui a fait 32 victimes et alors qu’il avait rejoint la sélection. « Pour moi, c’était dingue, résume le jeune de 21 ans. A chaque fois que j’allais quelque part… c’était effrayant, surtout pour ma famille. »
L’héritier de Kompany ?
Des épreuves, comme celle de la perte d’un ami proche un an auparavant, Junior Malanda, compagnon des U21 belges et mort dans un accident de voiture en Allemagne. « Je ne pouvais pas penser à autre chose, explique Jason Denayer. Il aurait été un top joueur. » Tous deux étaient annoncés chez les Diables Rouges. Le joueur de Manchester City y a fait ses débuts lors des qualifications pour l’Euro 2016 et connaît sa première sélection lors d’un match contre Israël, le 31 mars 2015… pour remédier à l’expulsion de Vincent Kompany.
Drôle de coïncidence quand on sait que les observateurs voient en Jason Denayer « le nouveau Vincent Kompany ». Lui-même cite d’ailleurs en exemple le défenseur des Citizens, éloigné des terrains cette saison pour une succession de pépins physiques : même club (malgré ce prêt à Sunderland cette saison), même poste, même nationalité, même qualités athlétiques… L’aîné n’a disputé que trois matches de championnat cette saison, le plus jeune en est à 16 apparitions avec les Black Cats. Faudrait-il y voir un passage de témoin ? Quand on connaît les soucis défensifs des hommes de Pep Guardiola, on se dit que Jason Denayer aura peut-être sa chance à Manchester l’été prochain…
source www.sport.sfr