Rares sont les footballeurs qui nous remercient aussi chaleureusement après une interview. Mohamed Camara l’a fait, à vrai dire, c’était une grande première. Avant le déplacement du Red Bull Salzbourg à Lille, le milieu de terrain (20 ans) s’est confié pour la première fois sur son parcours, son club et son rêve qui est aussi « celui de tous les footballeurs : disputer une Coupe du monde, alors que le Mali sa sélection nationale disputera les barrages en mars prochain. Il revient également sur son style de jeu, qui n’est pas sans rappeler celui d’un milieu international français.
Face à Lille, ce mardi, Salzbourg a l’occasion de se qualifier pour la première fois de son histoire en huitième de finale de la Ligue des champions. Est-ce une pression supplémentaire ?
Il n’y a pas de pression. C’est même une dose de motivation supplémentaire pour nous. On a l’occasion d’écrire l’histoire de ce club et de remplir l’objectif qu’on s’était fixé au début de la compétition, à savoir se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions. Personnellement, je ne me mets pas la pression et je ne vois pas la différence entre un match de Ligue des champions et de championnat. Je suis là pour me battre et gagner tous les matchs peu importe l’adversaire. En face, il y a une bonne équipe de Lille, que l’on avait battu chez nous mais ce ne fut pas simple. A nous d’être courageux sur le terrain.
Dans votre effectif, il y a trois joueurs de plus de 30 ans et le reste à moins de 23 ans. En quoi Salzbourg est un lieu fait pour le développement des jeunes joueurs ?
En effet, il y a une équipe jeune à l’exception de trois joueurs. Ici la philosophie c’est de donner la chance à de très jeunes joueurs de jouer au très haut niveau, comme la Ligue des champions. C’est un club fait pour eux. Ici, tout est parfait, il y a des infrastructures vraiment impeccables : les terrains, les matériaux, tout est la disposition des joueurs pour évoluer. On a aussi des personnes qui nous entourent et notamment Mustapaha (Mesloub, il est le conseiller chargé de l’intégration des joueurs au sein du club). Il est toujours là pour nous aider. S’il voit que l’on n’est pas sur le bon chemin, il nous appelle pour nous conseiller. Il y a vraiment beaucoup de monde pour nous encadrer.
À Salzbourg, vous évoluez au même poste que Diadié Samassekou et Amadou Haïdara. Comment expliquez-vous que les joueurs maliens soient si bien représentés ?
C’est vrai que les joueurs maliens sont bien représentés à Salzbourg et sur le plan international. Cela s’est fait lentement mais nous sommes des joueurs courageux, avec une force mentale et du sérieux dans notre travail.
A la base, vous avez débuté comme défenseur central. Comment avez-vous été replacé au milieu de terrain et pourquoi ?
A l’académie Jean-Marc Guillou, j’ai joué à plusieurs postes afin d’être polyvalent. Et puis en équipe de jeunes du Mali, on disputait une rencontre durant laquelle on avait des problèmes au milieu. Donc j’ai dit au coach : « Je peux jouer au milieu ». Et ce jour-là, nous avons gagné, j’ai fait un bon match et j’ai décidé de rester au milieu. J’ai simplement senti que c’est là que je pouvais le mieux aider l’équipe. Quand je suis revenu à l’académie, je n’ai plus joué comme défenseur.
Vous êtes passé par l’académie Jean-Marc Guillou mais l’avez rejoint assez tard. C’est une étape que vous avez failli manquer…
Je suis allé là-bas à l’occasion d’un test de recrutement de l’académie, puis j’ai été retenu. Mais malheureusement, j’ai dû aller voir ma grande-soeur qui était malade, paix à son âme. Et les membres de l’académie m’ont cherché partout pour me dire que j’étais retenu mais j’étais introuvable. Et quand je suis revenu, ils m’ont annoncé la nouvelle mais c’était trop tard. J’ai pleuré, j’ai pleuré car c’était l’endroit idéal pour réaliser ce rêve de devenir footballeur. Mais c’est la volonté de Dieu. J’ai fini par aller m’entraîner à l’AS Real Bamako dans l’équipe réserve, et lors d’un match nous avons affronté JMG. Après la rencontre, j’ai deux nouveaux eu la possibilité de faire un stage avec l’académie et c’est comme ça que j’ai été retenu.
En dehors du terrain, on vous décrit comme quelqu’un de très calme, très tranquille. En revanche, durant les matchs, on vous voit beaucoup parler sur le terrain. Avez-vous deux personnalités ?
Le foot c’est ma passion et je n’aime pas la défaite. Sur le terrain, je me décrirai comme quelqu’un de courageux. J’ai la responsabilité de diriger l’équipe sur le terrain, donc il faut encourager ses partenaires. Tout ça c’est dans ma nature. En dehors du terrain, je suis calme c’est vrai et je me concentre sur ma famille.
Quel est le joueur que vous regardez et dont vous vous inspirez ?
C’est Steven Gerrard, je ne l’ai pas trop vu jouer mais j’aime son style, son engagement sur le terrain et sa personnalité. Si je regarde N’Golo Kanté ? Les gens m’appellent souvent N’Golo Kanté, on a le même style de jeu. C’est un joueur qui a trois poumons, moi aussi j’ai trois poumons. En un mot, c’est mon idole.
Il y a quelques mois, lorsque l’Allemagne a été touchée par de graves inondations vous avez rapidement fait un don pour les victimes, alors que vous n’avez aucun lien avec ce pays. Pourquoi ?
Je suis croyant et musulman. C’est une religion qui nous enseigne à toujours aider les gens dans la difficulté sans regarder leur religion ou leur origine. Et si j’ai la possibilité d’aider quelqu’un d’autre, je le fais et c’est ce qui m’a motivé à faire un don. Et demain, en cas de besoin, je serai là encore pour faire mon possible. Au Mali, c’est pareil. Je n’en parle pas beaucoup et je préfère que cela reste discret mais on n’a par exemple aidé des gens à installer des panneaux solaires pour avoir l’électricité et qu’ils ne puissent pas être dans le noir à la nuit tombée.
Le Mali va disputer les barrages de la Coupe du monde (tirage au sort le 18 décembre). Quel serait le tirage le plus difficile selon vous ?
Il n’y aura pas de match facile. A ce niveau-là, toutes les équipes sont bonnes. C’est à nous d’être forts pour obtenir cette qualification historique pour le Mali. Si l’Algérie est l’équipe favorite pour la qualification ? Favori, c’est un statut en dehors du terrain mais quand le match se joue, ça n’existe plus.
Marc Mechenoua