Le milieu ghanéen (22 ans) tout en joie de vivre et énergie s’est imposé en sélection comme au RC Lens depuis l’été dernier. À Nice, jeudi (0-0), il a encore été très influent, se projetant même davantage. Avant le choc contre le PSG, ce dimanche (20 h 45), il raconte sa première Coupe du monde et un parcours, depuis son quartier d’Accra à la Ligue 1, qui force l’admiration.
La Coupe du monde : « C’était très fort »
Il a pris froid en rentrant du Qatar et a encore la voix cassée mais Salis Abdul Samed n’a eu aucun mal à reprendre son quotidien en club. « Je suis rentré comme j’étais avant, je n’ai pas changé. » Lui qui ne comptait aucune sélection avant le dernier match de préparation du Ghana a pourtant enchaîné les trois matchs comme titulaire (2 défaites contre l’Uruguay et le Portugal, victoire contre la Corée du Sud). « C’était incroyable. J’étais déjà très content quand le coach m’a appelé. J’ai tout de suite appelé ma mère, et je lui ai dit que j’allais jouer pour le pays. Je lui ai bien expliqué, c’est comme les Essien, les Muntari qu’on regardait à la télé quand j’étais petit, elle a mieux compris et elle était très fière, mes petits frères de 15 et 10 ans aussi. Ma mère ne connaît pas le foot, elle ne m’avait jamais vu jouer avant la Coupe du monde où elle m’a vu à la télé. Elle n’a pas le temps, elle sait que je joue au foot, c’est tout. Elle était très fière, car toute la famille, mon quartier, tout le monde a crié et chanté mon nom. Ils m’ont mis en photo dans le quartier partout.
En arrivant en sélection, dès le premier entraînement, j’ai voulu montrer au coach « ça, c’est Salis« . Mon travail paye, dieu merci. Ça m’a fait plaisir aussi de montrer aux Ghanéens ce que je suis devenu car on regarde plus la Premier League que la Ligue 1 au Ghana. C’est très fort de représenter le pays, parce qu’il y a beaucoup de joueurs ghanéens en Europe. Tout le monde connaît le Ghana. Si je suis parmi les 26, je suis fier de moi, c’est que je ne triche pas, que je travaille. Cette expérience est un plus pour le club et pour moi, même si on ne s’est pas qualifiés pour les huitièmes. J’ai pris quelques trucs de mes coéquipiers et des adversaires, j’ai bien regardé des joueurs comme Federico Valverde (milieu uruguayen du Real), comment il s’orientait, je lui ai « volé » des choses pour passer encore un cap et être un grand joueur un jour. »
Son intégration très rapide au RC Lens
« Cheick Doucouré (issu d’Académie JMG, Jean-Marc Guillou) est une petite légende au club. Quand je suis arrivé, il était encore là, on s’est même entraînés ensemble. Mais, c’est lui, il a fait ses trucs ici, il les a bien faits, il mérite. Maintenant, moi aussi, je dois montrer qui est Salis, montrer ce que j’ai appris à l’académie, et le football que le coach (Pascal Gastien) m’a apporté à Clermont. À l’académie, ça joue au foot aussi, tout le monde bouge partout et on se connaît tellement que c’est naturel, aller vite, gérer le tempo et l’intensité – ça, c’est moi depuis petit, je cours partout. Je veux toujours aider l’équipe, défendre beaucoup, être agressif. Mais avec les coachs Gastien et Haise, j’ai appris des choses, orienter mon corps, rester dans l’intervalle pour jouer vite vers l’avant… »
Du foot au quartier à l’idée d’une carrière
« Quand je suis rentré à l’académie, j’avais 12-13 ans, je voyais juste les gens jouer à la télé, donc pour moi, c’était pour jouer au foot, pas pour progresser et faire carrière. Je dribblais beaucoup, je prenais la balle et je marchais, je ne défendais pas… Coach Babytho m’a fait beaucoup progresser dans mon jeu. Un jour, il m’a montré Busquets (milieu défensif international espagnol du Barça). Pour moi il était nul, je ne voyais pas ce qu’il faisait. Il m’a dit « assieds toi et regarde comment il joue, deux touches, il oriente bien ». Après à l’entraînement, il me disait » deux touches obligatoires, tu contrôles tu donnes ». Ça a commencé là. La première promotion avait voyagé en Belgique pour faire des essais. j’étais dans la deuxième. À 16 ans, j’ai compris qu’on était venus ici pour travailler, partir en Europe, devenir pro et que c’est ce que je devais faire pour aider ma mère. Je suis devenu plus sérieux. Quand mon père est mort, j’avais vu ma mère, qui était alors enceinte, pleurer, je devais faire un truc pour réussir. J’étais tout petit, dix ans, neuf ans… J’ai arrêté l’école vers 11 ans, je voulais travailler. J’ai d’abord traîné dans la rue, je jouais au foot, je dormais chez des potes… Puis je me suis dit que non, je devais réussir pour aider ma mère. Il y avait des académies au Ghana, comme celle de Feyenoord ou Red Bull, qui venaient chercher des jeunes dans mon quartier, Madina, à Accra. Elles leur donnaient un peu d’argent, ils étaient bien habillés, en tenue, propres plus que nous. Quand JMG est arrivée, je voulais y aller, ma mère m’a dit « alors, pars ». Maintenant, elle est très contente, je lui ai acheté une petite maison. Si elle est bien, moi je vais bien. Je lui donne tout ce dont elle a besoin, à mes frères aussi. Je suis fier, aujourd’hui, dieu merci, si j’ai faim, je sais que je peux me payer à manger. »
Le PSG et l’Europe dans le viseur
« Depuis que je suis arrivé, on continue de travailler de la même façon, dur, je n’ai pas vu un joueur baisser la tête. On est tous concentrés, on veut vraiment jouer l’Europe, c’est notre objectif. Quand je suis arrivé, ils disaient « ça fait deux ans qu’on la rate de peu ». Je veux aider l’équipe pour qu’on la joue. On veut reproduire ce qu’on a fait sur les 16 premiers matchs. Je ne suis pas trop sur les réseaux mais je vois bien ce qu’il se passe autour de Lens – PSG et je sais ce que représente Paris. Les stats des deux équipes ne sont pas très éloignées, ça veut dire que les Parisiens savent que c’est toujours un peu dur de gagner contre Lens, ils vont venir à fond. À nous de répondre, de tous être à notre niveau. C’est un grand match. »
Sur le terrain, l’équilibre avec Seko Fofana
« Je suis plus défensif même si parfois, je monte. J’écoute le coach qui me demande de la défense pour laisser Seko plus offensif. Je me sens bien parce que c’est où je veux jouer. C’est Salis, un « 6 », il défend, il aide l’attaque, il essaye de récupérer les ballons, il donne aux autres. Le coach m’a mis en confiance, il m’a laissé libre. Il nous parle juste à l’hôtel avant les matchs, il nous donne l’équipe, ce qu’on doit faire et ensuite, il ne parle plus. Dans le vestiaire, rien, puis à la mi-temps, il nous montre trois actions, point. Ça me va bien, un coach comme ça, qui met le cadre et laisse le joueur libre. C’est joue ton football, si tu ne fais pas bien ce qu’il demande, tu sors. »