La CHAN au Cameroun a réservé son lot de surprises et de belles histoires. Celle de Makan Samabali en est une. Alors qu’il avait commencé la compétition sur le banc, le milieu de terrain malien s’est retrouvé titulaire pour la finale du CHAN Total perdue contre le Maroc (0-2). Pour Onze Mondial, l’ancien joueur du Real Bamako, qui vient de signer à Al-Faisaly en Jordanie, nous raconte le parcours inattendu des Aigles du Mali jusqu’en finale, le contexte politique du football malien ainsi que ses ambitions pour l’avenir. Entretien avec celui qui avait tenté l’aventure en National 2, à Schiltigheim (Alsace), en 2017-2018.
Bonjour Makan, peux-tu te présenter aux lecteurs de Onze Mondial et raconter ton parcours ?
Je m’appelle Makan Samabali, j’ai 25 ans, je joue milieu de terrain et je suis international malien. J’ai longtemps joué à l’AS Real Bamako et je viens de rejoindre Al-Faisaly, à Amman, en Jordanie.
Tu viens de disputer la CHAN Total avec le Mali durant lequel ton équipe a atteint la finale (perdue contre le Maroc 2-0). Comment as-tu réagi quand tu as appris que tu faisais partie de la liste de Nouhoum Diané, le sélectionneur malien ?
C’était vraiment une fierté pour moi. C’était un vrai honneur parce qu’il y a de très bons joueurs au Mali et si tu es sélectionné, c’est merveilleux. C’était une fierté de représenter mon pays, cela m’a fait beaucoup de bien.
La compétition se déroulait au Cameroun, comment était l’ambiance ?
C’était vraiment bien, les pelouses, les stades… On a été vraiment bien accueillis. Le seul problème était le climat plus humide qu’à Bamako où il fait beaucoup plus chaud.
C’est comment de jouer une compétition internationale dans le contexte du Covid-19 ?
On ne pouvait pas être très proches des supporters à cause du virus, mais ils nous ont quand même soutenus en nous appelant, on nous accueillant, c’était vraiment merveilleux.
Tu as disputé tous les matchs de la compétition mais tu n’as été titulaire qu’en finale. Comment expliques-tu cette titularisation surprise ?
C’est vrai que je n’ai pas beaucoup joué au début de la compétition, mais en demi-finale, Ibourahima Sidibé s’est blessé donc je l’ai remplacé en première mi-temps. Après la qualification, je savais que j’allais être titulaire en finale, le coach m’avait prévenu. C’était quelque chose de vraiment incroyable pour moi, car je ne m’y attendais pas trop car le coach avait déjà son équipe type, et normalement on ne change pas une équipe qui gagne. J’étais vraiment heureux d’être titulaire.
Qu’est-ce qui a manqué au Mali pour battre le Maroc en finale ? Un problème d’efficacité offensive ?
Ce n’est pas que ça, il y a trop de choses qui se sont passées. En première mi-temps, on a deux grosses occasions et si on en avait converti une, le match aurait été différent. Les Marocains ont eu moins d’occasions mais ils ont su faire la différence sur deux coups de pied arrêtés, c’est ça le haut niveau.
Tu as marqué tes deux tirs au but contre le Congo et la Guinée lors des séances en quart et en demi-finale, est-ce que tu avais la pression ?
Évidemment j’avais la pression, mais j’avais aussi confiance en moi. À ce stade de la compétition, la pression est naturelle car tout le monde regarde, la famille, les amis, le peuple… Mais j’étais serein, je savais que j’allais marquer.
Tu es un spécialiste des penalties ?
Souvent avec mon club je les tire donc j’avais confiance en moi. Quand le coach a demandé « qui veut tirer ? », j’ai levé ma main sans hésiter.
Quel est ton souvenir le plus marquant durant ce CHAN Total ?
La finale ! On ne s’y attendait pas du tout parce qu’on n’a plus de championnat au Mali, on n’a pas pu faire une très bonne préparation, donc arriver en finale avec le pays qu’on aime, c’est vraiment une fierté.
Pourquoi il n’y a plus de championnat au Mali ?
À cause de la situation politique (le président malien Ibrahim Boubacar Keita a été renversé le 18 août dernier par un coup d’état militaire), il y a des difficultés entre les dirigeants depuis quelques années. Je ne connais pas vraiment la nature des problèmes, mais nous n’arrivons pas à jouer le championnat tranquillement, trop de choses rentrent en jeu.
Comment était le retour au Mali après la compétition ?
C’était quelque chose d’extraordinaire, on ne s’attendait pas à un tel accueil. Tout le monde est venu nous saluer car personne ne nous attendait en finale étant donné qu’il n’y a pas de championnat. Les gens étaient vraiment contents malgré le fait qu’on n’ait pas remporté la Coupe. Il y avait les gens du ministère des Sports et de la Fédération et aussi les supporters, ils sont vraiment à saluer.
Revenons maintenant à ta carrière. Avant de signer en Jordanie, tu as longtemps évolué au Real de Bamako, quel est le niveau du championnat malien quand il se joue ?
C’est un bon championnat avec de très bons joueurs. Beaucoup ont déjà signé en Europe et jouent dans les grands championnats, certains jouent même la Ligue des champions ! Ils ont tous joué ici, cela veut dire que le championnat est bon.
Quel est le dernier match que tu as joué avec Bamako ?
Lors du « Carré d’As » (les phases finales) du championnat malien en septembre dernier contre le Yeelen Olympique de Bamako. (Le Real de Bamako a terminé troisième de la phase finale derrière le Yeelen et le Stade Malien, sacré champion).
Comment tu t’es occupé pendant cette période sans compétition ?
J’ai été formé à l’Académie Jean-Marc Guillou à Bamako et je m’entraîne avec les jeunes quand il n’y a pas de championnat. Je fais des exercices personnels, je garde la forme. J’étais donc impatient de jouer le CHAN Total car je n’avais pas joué depuis longtemps. C’était vraiment une grande fierté, représenter son pays et aller jusqu’en finale, je n’ai pas les mots pour décrire ces émotions. C’était vraiment quelque chose d’extraordinaire.
Tu as passé une saison à Schiltigheim en National 2, en 2017-2018, explique-nous comment tu es arrivé jusqu’en Alsace ?
C’est Vincent Dufour, un dirigeant de l’Académie Jean-Marc Guillou qui est parti avec moi là-bas pour un prêt. Il m’a présenté au coach, j’ai fait un essai et le coach m’a beaucoup apprécié donc il a tout fait pour que je reste. C’était bien. Au début j’avais du mal avec la température. Je suis parti en hiver, il faisait très froid et ce n’était pas facile. Avec le temps, ça allait mieux. C’était vraiment une bonne expérience, le club et les joueurs m’ont bien accueilli. Je suis resté six, sept mois là-bas, j’ai joué en National 2 puis je suis reparti à Bamako.
Pourquoi es-tu rentré au Mali ensuite ?
Mon prêt s’est terminé. Le club n’avait pas les moyens de me garder, je suis donc rentré à Bamako. Je n’avais pas d’autres contacts en France. Une fois rentré, L’Académie voulait me faire effectuer de nouveaux tests en Europe, mais ça ne s’est pas passé comme prévu.
Quel souvenir gardes-tu comme souvenir de la N2 ?
C’est plus physique, beaucoup de joueurs âgés jouent là-bas. Le niveau est bon, la mentalité aussi, en une phrase, c’est pas mal !
Quels sont tes objectifs pour l’avenir ? Un retour en Europe ?
C’est mon principal souhait de footballeur. Je veux repartir en Europe, signer dans un bon club, être connu dans le milieu du football et représenter le Mali qui m’a tout donné. Ce sont mes objectifs.
C’est quoi un « bon club » pour toi ?
C’est un club qui me fera confiance, qui me fera jouer et qui me fera me sentir comme chez moi, comme une famille. En France, j’aimerais jouer en Ligue 1, Ligue 2, même en National, ce n’est pas un problème. L’important c’est que je joue et que je puisse montrer mes qualités. Après tout peut se passer, tout est possible, ça peut aller très vite.
Est-ce que tu as un joueur modèle ?
Andrés Iniesta. Je suis un fan absolu du Barça et d’Iniesta, c’est le meilleur milieu de terrain que j’ai vu jouer. En France, j’aime bien le jeu du PSG et je supporte aussi Rennes parce que mon ami Hamari Traoré joue là-bas. On a tout fait ensemble à l’Académie Jean-Marc Guillou. Hamari c’est comme mon frère.