C’est une hémorragie : depuis le début de la saison, la Ligue 1 enregistre une perte record de spectateurs : – 12%, soit une moyenne de 19.528 spectateurs par match quand elle était de 22.059 l’an passé à la même époque. On retrouvera ces scores défaillants en fin de saison, ce sont des chiffres qui varient très peu.
Des stades flambant neufs
Comme un gémissement, le football français arguait de la vétusté, de l’inconfort de ses stades pour expliquer leur désertification. L’Euro a remis tout ça à neuf et les spectateurs sont choyés (quand ils ne sont pas harcelés comme à Lorient, voir papier ci-dessous). Et puis, disait-on, un Euro réussi allait réconcilier les Français avec le football, trop souvent accaparé par la rubrique des faits divers. La France finaliste de cet Euro, c’était pas mal (abruptement parlant), de quoi ranimer la flamme des déserteurs. Patatras ! C’est tout l’inverse. La peur des attentats pour expliquer la pénurie ? Peut-être mais elle n’est pas quantifiable. La crise économique ? Non, elle n’est pas arrivée comme un séisme en août dernier. Est-ce inquiétant alors qu’il y a longtemps que les recettes en billetterie ne représentent plus que 10 % du budget des clubs ? Ce n’est pas inquiétant, c’est alarmant parce que c’est à l’aune du nombre de spectateurs que l’on mesure l’intérêt d’une compétition. Si les places au stade ne trouvent pas acquéreurs, cela signifie par simple engrenage que les abonnements aux chaînes télé ne fonctionnent pas davantage et que la passion s’étiole. Canal n’aime pas divulguer le nombre de ses défections mais qu’elle fasse en ce moment des offres “low cost” dont elle n’est pas coutumière témoigne d’un certain trouble. Et si nous ne versons pas notre obole au foot, il s’appauvrit d’autant. Plus nous rechignerons à participer et plus les diffuseurs et les sponsors mettront la pédale douce pour l’entretenir. Il l’aura bien cherché…
Ils n’ont rien compris
On a pu espérer, après les deux ou trois premières journées de championnat, un frémissement de changement : il y avait un peu plus d’occasions de buts, et de buts même. Ce n’était qu’un trompe-l’œil, chassez le naturel, il revient au grand galop. S’il est absurde de vouloir tirer un bilan technique après cinq journées, la tendance qui se dessine est que les choses n’évolueront pas ou guère. Ils n’ont pas compris que la compétition, si poussive, entraînait une lente lassitude. Il y a des supporteurs indéfectibles qui, qu’il pleuve ou qu’il vente, vont au stade. Mais il y a aussi des supporteurs-spectateurs pleins de bonne volonté qui finissent par saturer. Ils vont au stade une fois, deux fois, trois fois, il ne se passe rien ou presque rien, ils s‘ennuient et restent chez eux. On va au foot pour vibrer, avoir quelques émotions mais quand il ne se passe rien, le décrochage pointe.
L’absence totale de spectacle ne peut que tuer la passion. Pas plus tard que le 18 septembre, la rencontre entre Marseille et Lyon, deux poids lourds hexagonaux, s’est conclue par un 0-0 désespérant. Si tout le monde a déploré la faiblesse du match, beaucoup ont loué la « maturité tactique »lyonnaise. En quoi consistait-elle ? A faire le dos rond avec dix joueurs, pas un de moins, à vocation défensive (le milieu le plus offensif était Tolisso qui n’a aucune qualité pour occuper le poste) dans une sorte de 3-6-1 barbare. Lacazette et Fekir sont blessés mais quand même Lyon devrait faire meilleure figure. Quant à Marseille, le futur président Frank McCourt a dû se dire que le football n’était pas si différent du base-ball, son sport de prédilection. Ce fut une belle bataille de chiffonniers où se faire deux passes de suite relevait de l’exploit. Ainsi va la formation à la française, championne du muscle et de la détente mais si pauvre d’esprit. Avoir structurellement de bons centres de formation dispense-t-il d’avoir une sensibilité, une intelligence au jeu de football ? Combien de Griezmann seront-ils recalés avant qu’on s’aperçoive que l’on fait fausse route ? Combien faudra-t-il de spectateurs en moins pour comprendre qu’un match sans aucun but ni souvent aucune occasion (ce n’est pas une exception) est un suicide à petit feu ? Les dirigeants sont-ils masochistes pour se tirer ainsi une balle dans le pied ? Sûrement ils constatent le dépeuplement mais sont inaptes à apporter une solution.
En stage chez Guillou
Un mardi soir, à 19 heures, gagné par l’oisiveté, vous regardez Lille-Toulouse. Vous ne pouvez pas être déçu, vous n’attendez rien. Au bout d’une minute, vous voyez un black filiforme sous le très pâle maillot de Lille délivrer un bijou de passe. Vous n’avez jamais entendu son nom : Bissouma, premier match en pro, titularisé in extremis. Vous êtes curieux, vous vous demandez si par hasard il n’y avait pas là-dessous une touche Guillou alors que vous n’en savez strictement rien. Vous tapez Bissouma sur Google : bingo ! Académie de Guillou à Bamako. Pas besoin d’être maître en football pour voir du premier coup d’œil que ce milieu de terrain respire le football. Alors, on s’est demandé : si on instituait un stage obligatoire chez Guillou avant d’entraîner, est-ce que les stades sonneraient le creux ? On plaisante, bien sûr, quoi que…