Qu’est-ce que vous avez pensé du sacre de la Côte d’Ivoire à la CAN 2015 ?
J’ai été très content pour tous les joueurs et leurs entraîneurs et notamment pour les académiciens restants qui auront au moins gagné un titre continental qu’ils avaient pour pas mal d’entre eux frôlé par deux fois précédemment.
Selon vous, qu’est-ce qui a fait la différence pour la Côte d’Ivoire ?
Une part de chance et peut-être une plus grande sérénité dans les moments décisifs des tirs au but avec notamment le rôle important joué par COPA Barry lors de cet exercice aussi bien dans les buts qu’en dehors.
Pensez-vous que le fait que la Côte d’Ivoire ne soit pas donnée pour favorite pour une fois, a libéré l’équipe ?
Non, comme les tournois précédents et notamment les deux qui les avaient vu parvenir en finale, elle n’a pas surclassé ses adversaires dans le jeu notamment dans les matchs de poule.
Quelles ont été les forces de l’équipe ivoirienne à cette CAN ?
Elle a été solide derrière.
Pour vous, quel a été le match qui a provoqué le déclic chez les Éléphants ?
Probablement celui qui leur a permis de sortir des poules.
Pour vous, qui a été le meilleur ivoirien de la compétition ?
C’est pratiquement impossible de répondre à cette question en isolant un seul joueur. D’une part parce qu’aucun d’entre eux a été nettement au-dessus des autres et d’autre part parce qu’il est difficile de juger des joueurs qui jouent dans des rôles et des postes différents.
Je pense que KOLO a fait une très bonne CAN. Evidemment YAYA reste une valeur assez sûre. GERVINHO même s’il a été victime de son énervement. Et AURIER et BONNY dans des registres différents ont été bons.
Qu’avez-vous pensé des prestations de vos Académiciens encore présents dans l’équipe ?
Ils sont encore des valeurs de référence dans cette équipe. Je pense que sans eux cela aurait été plus difficile.
Avez-vous été heureux pour Copa Barry qui a été durement critiqué et même dépossédé de son statut de numéro 1 dans les buts ?
Bien entendu. Mais il lui arrivera comme à tous les autres d’être dépossédé de son statut de titulaire.
Quel appréciation faites-vous du coaching et des choix tactiques d’Hervé Renard durant la compétition ?
Difficile de juger de l’importance joué par le coaching. Si on rend souvent un entraîneur responsable de l’échec, il faut en même temps admettre qu’il est pour une part au moins égale dans la Victoire. Cela dit, d’un point de vue du jeu, il n’y a pratiquement pas de différence entre un trophée gagné et perdu aux tirs au but.
Paradoxalement, ce sacre fait naitre des regrets. On se dit que la Côte d’Ivoire devait avoir aujourd’hui trois autres CAN à son palmarès, si ses dirigeants ou sélectionneurs avaient suggéré l’énorme potentiel de l’équipe ?
Au moins trois si ce n’est quatre. Cette génération bien drivée devait planer sur cette compétition durant ces 12 dernières années. De plus, elle aurait aussi dû faire beaucoup mieux lors des mondiaux auxquels elle a participé, notamment le dernier.
Trouvez-vous cette équipe supérieure à ses devancières des éditions précédentes ?
Non. D’un point de vue du jeu et même du résultat, il n’y a pas une grosse différence.
On sait que vous êtes le formateur de la génération des Académiciens qui a projeté la Côte d’Ivoire dans une autre dimension. Considérez-vous un peu cette victoire comme la vôtre ?
J’ai été longtemps frustré par toutes les compétitions internationales jouées par la Côte d’Ivoire. Certainement beaucoup plus frustrés que les supporters ivoiriens, car je suis bien placé pour savoir que cette génération valait beaucoup mieux que ce qu’elle a remporté et rapporté.
Sans votre travail à l’Académie pensez-vous que ce sacre aurait été possible ?
Cela aurait été possible, cela est d’ailleurs arrivé précédemment au Sénégal. C’est plutôt, ce que cette génération a manqué, qui ne serait jamais arrivée sans notre travail et c’est ce qu’il faut regretter.
Et quand je dis, notre travail, je pense et j’inclus tous les collaborateurs que j’ai eu avec moi à l’Académie en excluant totalement le Président de l’ASEC qui en revanche a une grande responsabilité dans ce qu’a pu manquer cette génération au niveau international.
Quel sentiment peut avoir un technicien comme vous qui a formé la moitié d’une équipe qui est championne d’Afrique ?
Globalement, j’ai eu beaucoup de fierté à travers les performances de nombre de ces joueurs au niveau de leur club. Pas mal de frustration au niveau de leurs performances au niveau international avec la Côte d’Ivoire. Cette victoire met un peu de baume à un cœur déçu par les résultats précédents.
Jusqu’où peut désormais aller cette équipe ?
C’est une équipe qui arrive en fin de course. Son avenir est de très court terme. KOLO 34 ans, YAYA 32 ans, Gervinho 30 ans, ont le vrai âge. On ne peut pas en être certain pour les autres joueurs. Donc avec beaucoup de réserve, on peut raisonnablement penser que la moyenne d’âge de cette équipe avoisine sans doute les 30 ans. Sa durée de vie est donc limitée à 3 ans. Pour le mondial de 2018, ce sera un peu juste. Le travail des techniciens sera de reformer probablement pour ces futures compétitions un autre groupe.
Quelle est la meilleure façon de gérer sportivement un tel sacre ?
Il n’y a pas de gestion sportive à avoir quand on gagne un titre. La gestion est plutôt économique. Et là, pour tous ces joueurs, il y a des possibilités de retour économique. En tout cas, ils resteront dans l’histoire au même titre que les joueurs qui ont gagné le premier titre au Sénégal.
Lors de la réception des joueurs au Palais présidentiel, la fédération a oublié de vous rendre hommage. Seul le ministre des Sports l’a fait. Qu’est-ce qu’avez-vous pensé de cet oubli de la Fédération ?
Je n’ai jamais attendu un quelconque retour de personnes n’ayant guère de compétence pour juger des mérites sportifs qui pourraient me revenir. Je ne sais pas si je dois remercier le Ministre des sports de m’avoir cité en si mauvaise compagnie. Que l’on m’associe avec le Président de l’ASEC pour avoir remis ce club sur les rails de la prospérité lors de mon passage à Abidjan, c’est inévitable. Mais que l’on place ce Président en premier dans la réussite de l’Académie, c’est vraiment mal connaître la vraie histoire et la réalité. Comme je l’ai dit plus haut, Roger OUEGNIN de par son action nuisible à mon égard et à l’égard des académiciens porte selon moi la responsabilité de 3 ou 4 titres ratés pour l’équipe de Côte d’Ivoire.
La FIF a donné un certain nombre noms de personnes qui ont été décorées par le chef de l’Etat. Attendez-vous qu’on vous décore pour tout le service rendu ?
J’ai été condamné à 5 ans de prison pour avoir été volé par un escroc… Cela vaut à mon esprit plus qu’une médaille.
Que pensez-vous de la retraite de Kolo Touré ?
Il aura fait une carrière bien remplie. Je sais qu’il jouera encore un rôle dans l’histoire du football de la Côte d’Ivoire. Cela est très souhaitable. Ce devrait être pour quelques académiciens un devoir de prendre en main ce football afin de lui donner les possibilités qui leur ont manquées.
A votre avis, Copa Barry doit-il suivre son exemple ?
COPA peut encore jouer quelques années. Il a 35 ans il peut sans problème jouer jusqu’à 37-38 ans.
La Côte d’Ivoire est toujours sans directeur technique. Vous êtes toujours disposé à occuper le poste si l’on pensait à vous ?
J’avais répondu que ma société pouvait participer à redonner de la vigueur au football ivoirien.
Je n’ai jamais imaginé me borner au rôle de Directeur Technique de la Fédération Ivoirienne. Mon action actuelle au sein de ma société dépasse largement le rôle d’un Directeur Technique de Fédération quelle qu’elle soit.
Je suppose, que le coach aura beaucoup de travail pour préparer les futurs compétitions et qu’il n’aura guère de temps pour réorganiser un football local en pleine déconfiture. Plus aucune formation digne de ce nom, un spectacle inexistant dans le Championnat, des résultats en compétition de confédération réduits à la portion congrue… La Victoire de l’équipe Nationale est véritablement l’arbre qui cache la forêt des insuffisances du football local.
C’est pourquoi, cette fédération à bien besoin d’une arrivée d’oxygène avec des joueurs, qui ont fréquenté le haut niveau européen et qui seraient capables de prendre en main la direction de cette fédération et des « grands clubs » du pays.
La retraite des KOLO, YAYA, MARCO, DIAKI, ZOKORA et autres, arrive à point nommé pour redonner un réelle vigueur à un football qui n’est pourtant pas avare de talent naissant chez les jeunes je suis bien placé pour le savoir…
Au lieu de distribuer des médailles qui servent autant à ceux qui les donnent qu’a ceux qui les reçoivent, c’est d’ailleurs pourquoi elle ont toujours un revers, les politiques feraient bien mieux de mettre aux bonnes places dans le football local les réelles compétences des joueurs qui arrivent au bout de leur carrière professionnelle.
interview Abdoul Kapo, photos JMG Academy