Quel âge avait Yaya Touré quand vous l’avez vu ? Comment l’avez vous remarqué ? Est ce que on vous avez parlez de lui ?
Yaya est entré à l’Académie en 1996 entre 12 et 13 ans. Je l’ai remarqué lors d’un match entre une équipe de quartier appelée « Les Inconditionnels” dans laquelle il jouait et l’équipe de l’Académie. Personne ne m’avait parlé de lui. Même son frère, Kolo TOURÉ, déjà chez nous, était resté sur lui discret. C’est surtout son talent technique et son sens du jeu lors de ce match qui m’ont décidé à le prendre tout de suite. Le fait que son frère était déjà là était un plus.
A t-il suivi vos méthodes de jouer pieds nus, sans protège-tibias dans les jeux sans gardien de but. Est que Yaya a eu du mal à assimiler votre méthode ?
Totalement, comme tous les autres. Le fait de jouer sans gardien était d’abord dû au fait que je ne pouvais pas perdre de temps à m’occuper spécifiquement d’un gardien et que mettre un joueur dans cette position c’était lui apprendre à bien couvrir ses partenaires. Nous avons vite remarqué que jouer sans gardien obligeait notre équipe à défendre haut et ensemble pour ne pas laisser à l’adversaire beaucoup de possibilités de frapper dans notre but.
Entre autres avantages, le fait de jouer un match pieds nus, fait à la fois disparaître un grand nombre de blessures et donc les protèges tibia. Dans nos structures, pour un nombre de matches très élevés depuis plus de 20 ans (certainement plus de 1000 matches), nous avons eu un nombre de blessures réelles (en ne comptant pas les ampoules aux pieds dans leur débuts) qui ne dépasse pas les doigts des deux mains. Notre méthode de travail ne pose pas de problèmes, elle n’apporte à mon sens que des solutions. Yaya n’a donc pas eu à faire face à des problèmes, mais il a bénéficié comme tous les autres des avantages de la méthode.
Etait-il le meilleur des joueurs que vous ayez amené de votre académie de Côte-d’Ivoire à Beveren. Pensiez-vous qu’il aurait un tel succès dans les clubs comme Barcelone et Manchester City ? Comment at-il vécu l’échec, ne pas être en mesure de rejoindre Arsenal en 2003 ?
J’ai assez vite perçu chez lui son grand potentiel. Il était le joueur qui pouvait rivaliser plus tard avec les meilleurs joueurs du monde. Il avait 18 ans lorsque je l’ai emmené à Beveren. J’ai toujours pensé que pour les joueurs que nous formons, il serait plus facile de jouer avec de bonnes et grandes équipes qu’avec des équipes moyennes. Cela surtout pour des joueurs ayant peu de qualité de puissance. Heureusement pour Yaya il n’a jamais vraiment manqué de puissance.
Je crois que Yaya aurait en effet aimé jouer avec Arsenal. mais je connais beaucoup de jeunes que nous formons qui aimeraient faire la carrière qu’il est en train de faire.
Avoir connu Barcelone et Manchester City, c’est une chance. Et c’est pour moi un réel plaisir d’y avoir participé.
Avez vous perçu son attitude positive et son caractère en Côte-d’Ivoire et à Beveren ? A t-il toujours suivi vos maximes de « recherche permanente de l’efficacité en respectant les régles » ?
Yaya est un perfectionniste. Il sent le jeu et il le comprend. Il pourra plus tard probablement occuper un poste technique dans le football. La volonté de s’améliorer sans cesse, a grandi chez lui avec le temps. Je pense même que son jeu a pris ses dernières saisons une plus grande dimension. C’est aussi en partie dû au fait de jouer dans une meilleure équipe notamment au milieu où avec Silva et Nasri, il y a de la complémentarité mais aussi et surtout de la complicité. L’une de nos valeurs est d’inculquer cette volonté d’être toujours meilleur et de profiter de chaque entrainement pour le devenir. Ce que beaucoup de joueurs découvrent en fin de carrière, Yaya l’a découvert déjà dans sa formation.
A t-il eu des problèmes d’adaptation quand il est venu en Belgique et qu’est-ce qu’il vous a dit quand vous lui avez annoncé qu’il venait en Europe ?
Comme je l’ai dit plus haut, Yaya était le plus jeune des joueurs qui sont arrivés en premier en Europe. Il n’avait jamais participé à un championnat officiel en Afrique. Il était très content de faire partie des joueurs choisis pour Beveren. La première saison n’a pas été facile pour nous tous. Il n’y avait pas assez de bons joueurs dans l’effectif du club pour développer le jeu que nous faisions à l’Académie. La saison suivante, aussi parce que ces jeunes avait pris un an de plus, mais surtout parce qu’ils ont été rejoint par d’autres de leur camarades, le jeu est devenu plus sympa et les résultats ne se sont pas fait attendre.
Pensez vous que c’est une source d’inspiration et un exemple pour vos jeunes joueurs dans vos académies actuelles, en Côte-d’Ivoire et ailleurs ? Avez-vous des joueurs comme lui à venir … ou est-il un cas isolé ?
Les joueurs qui réussissent le mieux sont forcément un exemple pour tous les jeunes que nous avons dans nos structures. Nous ne sommes plus en Côte d’Ivoire depuis 2002. En revanche, nous sommes au Mali et je crois que Yaya doit avoir un peu de sang Malien. D’ailleurs TOURE est un nom fortement Malien.
La principale raison de sa réussite est liée à son talent de joueur, ses possibilités physiques et son mental qui l’a poussé à faire épanouir au plus haut niveau ses capacités.
Comme lui, probablement pas, en ce sens que nos structures de formation n’ont pas la prétention de savoir faire des Yaya. Il est unique et il le restera comme tout homme sur cette terre. Mais des joueurs capables de faire des carrières de ce niveau, oui. Il y en a eu déjà au sein de la première académie. Des joueurs comme Gervinho, Baky, Aruna, Eboué, Kolo, Boka, Marco, Romaric, Yapi, Junior, Zokora, Copa, Lolo Igor, Kalou Salomon tous internationaux sortent de l’Académie de Côte d’Ivoire ont fait de très belles carrières et mieux encadrés en Équipe Nationale auraient probablement fait une razzia de titres. Alors, immanquablement, de nos académies existantes (Mali,Algérie,Egypte,Vietnam,Ghana,Belgique) sortira ou sortiront des joueurs capables de faire des grandes carrières. Er ce n’est pas Manchester City qui me contredira car ce grand club vient de nous “voler” un jeune joueur de 18 ans formé dans notre académie de Belgique…
Jean-Marc pouvez vous nous donner des anecdotes sur Yaya quand il était plus jeune, qui laisser entrevoir sa personnalité ?
Yaya est le premier joueur qui après avoir été versé dans l’effectif de notre club partenaire de l’époque à Abidjan ne s’est entraîné que deux semaines avec ce club, puis est très vite revenu s’entrainer avec nous car il estimait perdre son temps là-bas. 6 mois plus tard, sachant cela, je l’ai emmené en Belgique car en plus du talent, il m’a montré qu’il avait du caractère et qu’il savait ce qu’il voulait.
Chris Bevan Football Journalist BBC Sport